Les médailles du règne de Louis XV - sous la direction de Patrick Michel

Résumé : L’objet de ma thèse concerne l’étude de la production artistique et les conditions de création de Jean Duvivier et de son fils Benjamin, tous deux graveurs en médailles, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI. Analyser le corpus de ces deux médailleurs requiert d’étudier la numismatique du XVIIIe siècle, champ disciplinaire longtemps délaissé par les historiens et les historiens de l’art. Pourtant, les médailles du règne de Louis XV et de Louis XVI sont extrêmement nombreuses et n’ont jamais fait l’objet d’un travail complet, contrairement à celles de Louis XIV. Ainsi, un travail de recherches inédit sur ce corpus de médailles très riche permettrait de faire considérablement avancer la recherche puisqu’il constitue une source méconnue et partant sous-exploitée de l’histoire de la propagande et du discours politique.
S’intéresser à l’œuvre des Duvivier, graveurs officiels des médailles de deux rois, collectionnés de leur vivant et exposés dans les Salons parisiens, permet aussi d’analyser et de comprendre les liens qui unissent dessinateurs et graveurs en médaille d’une part, commanditaires et collectionneurs d’autre part. Les Duvivier ont en effet travaillé avec nombre d’artistes comme le célèbre sculpteur Edmé Bouchardon ou d’autres médailleurs sur lesquels il n’y a pour le moment aucune étude comme Jean Le Blanc ou François Marteau. Ces artistes sont pourtant réputés de leur vivant et ont une carrière extrêmement prolifique, comme en témoignent les archives de la Maison du roi qui indiquent les dates de commandes et les sommes versées à chaque artist.
Extrêmement réputés de leur vivant également, les Duvivier ont eu de nombreux commanditaires, des plus hautes figures du XVIIIe siècle comme le roi et son entourage, aux grands intellectuels de l’époque comme l’abbé archéologue et homme de lettre Jean-Jacques Barthélémy ou le franc-maçon Godefroy-Maurice de La Tour d’Auvergne Duc de Bouillon.
Enfin, si l’on connaît désormais bien le collectionnisme du Grand Siècle, les médaillistes des Lumières n’ont pas encore suscité d’études semblables. Ce sujet requiert donc d’étudier les catalogues du XVIIIe siècle qui témoignent de l’évolution dans la pratique de la collection. Les médaillistes sont moins nombreux mais plus érudits qu’au siècle précédent, et s’intéressent à la médaille par goût et intérêt scientifique véritables. Ce ne sont plus seulement les personnages illustres qui affectionnent les médailles comme étant l’objet à la mode ; désormais, aristocrates et bourgeois s’y intéressent aussi. La numismatique devient une activité intellectuelle et les collectionneurs de médailles deviennent autant amateurs que savants et érudits.
En plus du dépouillement des grandes collections, l’intérêt et l’originalité de ce travail résident également dans l’étude systématique d’archives jamais encore dépouillées pour la plupart. Pourtant, elles recèlent de précieuses informations sur les collaborations entre artistes, leur condition de création, leurs contrats d’apprentissage et les sommes qui leur sont versées. Ainsi, ma thèse permettrait de comprendre comment les médailleurs vivent, dans quelle condition ils travaillent et pour quels commanditaires.
Ce travail de recherche permettra de renouveler entièrement le champ d’étude de la numismatique du XVIIIe siècle, en revenant précisément sur l’iconographie des médailles, la littérature métallique publiée et les graveurs en médailles dont les Duvivier sont les plus grands représentants. Ce sujet n’a jamais fait l’objet d’une étude spécifique et mérite véritablement d’être développé dans le cadre d’un travail complet, prenant en compte l’ampleur de l’œuvre de ces deux médailleurs ayant travaillé pour deux rois, des savants, des collectionneurs privés nobles comme bourgeois, exposés dans les Salons, cités par les revues les plus importantes du XVIIIe siècle et incarnant l’esprit des Lumières.